Muses et demi-muses

D'après une théorie galetasienne, si l'on veut s'étendre sur les sources d'inspiration d'origine humaine et communément admises, il faut différencier les muses et les demi-muses. Les premières comme les secondes inspirent les artistes, que ceux-ci aient des intentions louables ou non. Après tout, comme dirait l'autre, il existe deux catégories d'hommes : ceux qui considèrent les femmes comme des chefs d'oeuvres et ceux qui les considèrent comme des hors d'oeuvres. C'est triste mais assez réel. Et ici, nous parlerons dans un premier temps d'artistes masculins. Ainsi, ces artistes, qu'ils fassent partie de la première ou de la deuxième catégorie d'hommes, peuvent se retrouver face à une muse ou à une demi-muse, une ou plusieurs fois dans leur vie.

La principale différence, toujours selon cette théorie, est que la muse est un être bien réel, une personne vraiment rencontrée par l'artiste, que ce soit dans le cadre d'une relation proche et durable, ou simplement pendant un court instant durant lequel les deux protagonistes vont se croiser. Une muse peut être une amie, une épouse, une professeure, une élève, une connaissance, une collègue, une voisine ou une passante, pure inconnue croisée dans la rue. Malgré tout, elle reste bien réelle et rencontrée en personne par l'artiste, ce qui n'est pas le cas de la demi-muse - aussi appelée "presque muse". Cette dernière, même si elle peut inspirer, passionner, interpeller, bouleverser, affoler, obséder l'artiste, ne l'a jamais rencontré en personne. L'artiste l'aura vue dans un film, sur une photographie, dans une vidéo, sur une peinture, dans un rêve, dans un livre, mais pas en face de lui. La deuxième différence, sous-jacente, qui apparaît alors est que la demi-muse peut être réelle comme imaginaire, personne comme personnage. Ce ne peut être le cas de la muse qui, elle, a bel et bien rencontré l'artiste au moins le temps d'un instant furtif, et ce même si l'artiste va s'imaginer toutes sortes d'hypothèses et de fantasmes autour de cette personne, dont beaucoup ne pourront se vérifier. Mais l'imagination, la supposition et l'espoir n'ont-ils pas toute leur place quand il s'agit d'inspiration ? Parfois, c'est ce qui n'existe pas qui permet à d'autres choses d'exister, n'est-ce-pas ?

Le rôle de muse prend une dimension encore plus grande quand l'artiste refuse de se laisser entraîner par de simples pulsions égoïstes et charnelles. La muse, en effet, a quelque chose de surhumain, de surnaturel, d'élevé, qui prive l'artiste de tout courage et de toute audace qui lui permettrait de s'approcher comme il le voudrait, de lui parler, de la toucher, de partager des pensées et des opinions, d'entamer une certaine intimité avec elle, quelle qu'en soit la forme. Pour qu'elle reste muse, il faudrait presque qu'elle reste loin, secrète, mystérieuse, intouchable, telle une terre promise difficile d'accès. Malgré tout, il reste ardu de définir clairement et parfaitement ce qu'est une muse dans le concret. Chaque artiste aura sa propre version, probablement. Néanmoins, il est évident qu'une attirance irrépressible et imbibée de curiosité doit entrer en jeu. Toutefois, cette attirance n'a rien de classique, habituel, commun ou prévisible, et ne doit pas se confondre avec le rapprochement émotionnel d'une amitié, d'un couple ou d'un futur couple. C'est ce qui fait la richesse et la complexité de l'espèce humaine : un homme (au sens large) peut se sentir attiré par plusieurs personnes de façon tout à fait différente. 

Et la femme artiste, dans tout ça ? Si l'homme peut rencontrer une ou des muses au cours de sa vie, de quoi dispose-t-elle de son côté ? La muse est depuis toujours un rôle féminin. Seule une femme peut posséder la complexité et le charme nécessaires à cette fin. Cependant, il apparaît que certains hommes, malgré leur absence chronique et involontaire de beauté et de complexité, ont réussi à inspirer et motiver le génie féminin en certaines occasions. Au passage, une femme peut tout à fait inspirer une femme. Et les êtres humains ne sont pas les seules sources d'inspiration possibles. Mais les hommes peuvent également espérer provoquer, par leur présence ou leur absence, l'élan créatif d'un ou d'une artiste. Tout est possible à dire vrai, mais le rôle de muse (ainsi que le terme même), et c'est pour le moins avéré aujourd'hui, a du mal à se plaire hors de la peau d'une femme. C'est là qu'il semble le mieux, après tout.

N'est-ce pas ?

Ajouter un commentaire

 
×