Le Carré Vert (scène 2)

ACHILLE (quand le silence s’est installé) : Alors, Messieurs, personne ne souhaite un rafraichissement ?

Personne ne répond.

ACHILLE : Un jus de fruit ?

Personne ne répond.

ACHILLE : Un soda ?

Personne ne répond.

ACHILLE : Un verre de lait ?

Personne ne répond.

ACHILLE : Un chocolat chaud ?

Personne ne répond.

ACHILLE : Un… verre d’eau ?

EUGENE : L’eau de vie à la poire, ça compte pour du jus de fruit ? Ou… pour de l’eau ?

LEON (en ricanant) : Ce qu’il est bête…

FRANCIS : Oui, il n’est pas bien fin.

ACHILLE : Faim ? Tiens, oui, peut-être avez-vous faim ? Je peux vous proposer…

LEON : Non, merci.

ACHILLE : Ou alors…

FRANCIS : Non, vraiment.

ACHILLE : Voudriez-vous…

EUGENE : Non.

ACHILLE : Et pourquoi pas…

FRANCIS : Sans façon.

ACHILLE : Même si…

EUGENE : Même si.

ACHILLE : Bien. Après tout, vous avez raison, n’allongeons pas des ardoises déjà bien longues.

FRANCIS : Et si on les réglait de suite ? On aurait le droit au verre de l’amitié ?

ACHILLE : Comment comptez-vous régler, Messieurs ?

LEON (en ricanant) : Cette question ! En liquide, bien sûr. Des litres et des litres de liquide.

FRANCIS : Des écus sans écume. Sonnants et trébuchants. Et bien cuivrés. Assez pour remplir plusieurs verres.

EUGENE : Parlez pour vous. Moi je suis sans le saoul… sans le sou, je veux dire. Si j’avais sous… su, j’aurais mis mon costume trois pièces.

LEON : Histoire d’être bien à billets.

FRANCIS : Laisse-le tranquille, il a déjà son compte.

ACHILLE : Le silence est d’or, en effet.

LEON : Mais la joute est un art. Et il ne faut pas se mettre à dos l’art.

FRANCIS : Pour ce qui est des belles phrases, j’ai en toi tout crédit.

EUGENE : Allez Achille, paie-nous un pot !

ACHILLE : Puisque je vous dis que je suis à cours de liquidités ! Je…

FRANCIS : Qu’est-ce qu’il y a ?

ACHILLE : J’entends quelqu’un qui approche. Sûrement un client.

LEON : A mon avis, c’est plutôt Helmut qui revient après son petit tour.

ACHILLE : Chut !